Chapitre 13 : La légende du parpaing perdu.

20 03 2007

Venant tout juste de quitter la ville, le mouton, marchait, au hasard des chemins vers l’inconnu. Ce dernier n’était pas seul, un vieillard gémissant était allongé près de lui. Se rapprochant encore, le GMS vit la scène. L’inconnu tenait dans la main gauche la rate de sa victime et dans la droite son intestin grêle. Le vieil homme criait. L’inconnu scandait :

-Je vois, je vois c’est très clair ! Oui ! Je vois dans vos entrailles que vous allez mourir d’ici un quart d’heure !

Le courageux mouton se précipita sur le sombre individu, tentant de l’écarter du futur défunt. Bien que beau, le geste fût inutile, le pauvre homme agonisait à coté de la majorité de ses viscères :

Les yeux du vieillard s’éteignirent à jamais, et l’éventreur hurla d’allégresse :

-Il est mort ! Vous voyez, vous voyez, j’avais raison ! Ha ! Ha ! Il est mort !
-Mais vous êtes fou !
-Non, moi c’est Maphore.
-Pourquoi avez-vous tué cet homme ?
-J’ai fait mon travail.
-Dans quel métier éviscère-t-on des gens ?
-Je suis devin.
-Devin? Je suis de marbre.

Ne sachant où aller, le GMS pria le devin de lui indiquer sa route. Malheureusement, ce dernier ne lisait l’avenir que dans des entrailles humaines et le GMS considéra comme étant plus sage d’utiliser celles du récent cadavre qui de toute façon ne s’en servirait plus.

-Je vois… des… des… mamelouks, beaucoup de mamelouks. J’entends…
-Qu’entendez vous donc ?
-…la douce mélopée des…
-Des quoi !?!
-Euh, des… des… roubignoles.
-Hein ? s’étonna le mouton.
-Ah non, des rossignols, la douce mélopée des rossignols.

Il lâcha le côlon sigmoïde du macchabée pour s’emparer de son oesophage.

-Et pouvez-vous m’indiquer ma route ? demanda le mouton inquiet.
-Aaaah non, je vois Vénus !
-Vénus ? s’exclama le GMS.
-Non, non pire ! Un divin cubitus !

Laissant l’homme à ses délires, le quadrupède encore sonné commença à reprendre sa route quand soudain le névrosé le rappela sur un ton plus calme, il venait apparemment de sortir de sa transe. Le mouton se retourna ; c’est alors que la main ensanglantée de l’homme vint se poser sur la blanche toison du mouton.

-Que me voulez-vous encore ? demanda le GMS en écartant la salissante main de l’individu.
-J’oubliais, il faut que je vous narre « la Légende du Parpaing Perdu » !
-Qu’est-ce donc encore ?

Ignorant sa question, l’homme commença son récit.

-Un vent de glace souffle sur les plaines nordiques, les mineurs exténués tirent des chariots chargés de pierres dans une nuit nuageuse avec éclaircis et quelques précipitations sur les littoraux et en zone montagneuse. Ils ont faim, ils ont froid, ils travaillent 23 heures par jour, ils sont fouettés tous les quarts d’heure, pendant 5 minutes à raison de 7 coups de fouet par minute soit 140 coups de fouet par heure ou 3220 coups par jour ou environ 1,2 x 106 coups par année. Déduisez-en l’âge du chauffeur d’autobus. A quoi ces pierres pouvaient-elles bien être destinées et qui pouvait bien être ce mystérieux chauffeur d’autobus ? L’une de ces deux questions restera sans réponse. Les pierres, donc, étaient acheminées vers une colline au sommet de laquelle se construisait le château de l’Orc Hidé, puissant guerrier des Terres du Coté. Pour venger son peuple, un shaman décida de jeter un sort à l’une des pierres destinées à la construction de l’édifice…

Le mouton écoutait attentivement.

-…Ayant des problèmes financiers, Hidé dût céder sa propriété à un riche bélier cherchant une plus grande demeure afin de loger ses deux récents marmots. Mais le parpaing n’en demeurait pas moins maléfique et alors que le nouvel acquéreur sortait la tête par la fenêtre pour regarder le paysage, la pierre lui tomba en plein sur l’encéphale. Il ne se serait jamais remit d’un tel choc si ce parpaing n’avait pas été maudit par un shaman vengeur…

Le récit de ses événements rappela au GMS la mort tragique de son père. Il ne put s’empêcher de demander des détails sur l’« accident ».

-…Le bélier en question était un homme bon et généreux nommé Gruèlle. Tout le monde le pensait mort mais aujourd’hui je sais que ce n’est pas le cas. En effet, le parpaing a eu pour effet de transformer ce brave bélier en un être tyrannique ayant pour seul et unique but de semer la terreur à travers le monde, on le surnomme maintenant Patrick Gruèlle.
-Mais ce bélier dont vous parlez, c’est mon père. Dites moi où il est, comment puis je le retrouver ?
-Jeune inconscient ! Il vous tuerait sans hésitation.

LE GRAND MECHOUI SACRE (à genoux)

 

Mais qu’ai-je fait aux dieux pour mériter ce sort ?
Commettrai-je l’acte odieux de tuer mon propre père ?
Laisserai-je ce monde ne point connaître d’essor ?
« Songez quoi qu’il ait fait, songez qu’il est mon père » (Iphigénie, Racine)

 

-Il te reste une chance de le sauver pourtant…

 

LE GRAND MECHOUI SACRE (debout)

 

Tout n’est donc pas perdu, il me reste un espoir !
Mais comment me faut il sauver mon géniteur ?
Et comment deviendrai-je alors son rédempteur ?
« Il m’en coûte la vie, il m’en coûte la gloire » (Cinna, Corneille)

-Pour sauver ton père, il faut lui faire revivre le traumatisme qu’il a vécu.
-C’est-à-dire ?
-Le parpaing enchanté
Sur la tête du maudit
Doit retomber.

Sur ce, son regard se figea, il tourna sur lui-même avant de se jeter à mains jointes dans les tripes encore fraîches de feu le donneur d’organes.