Chapitre 31 : La laine de mouton contenait autour de 50% d’impuretés graisseuses.

23 03 2007

Résumé des épisodes précédents : La brume entoure nos deux compagnons, le vent tournoie autour d’eux, ils sont là, ils attendent, ils doutent, ils réfléchissent à une stratégie visant à éliminer le vil lapin afin d’en ramener la région du corps non vertébrée, postérieure au postérieur, ici de forme arrondie, à Monsieur pour que ce dernier leur remette sa chèvre ayant des vertus magiques utiles à l’élimination de l’affreux Merlin l’embrocheur car, achevant ce dernier, le mouton sacré achèvera bilatéralement sa divine quête !

Le plateau de Fruidemaire n’était non pas constitué de 24 huîtres, 8 oursins, crevettes bouquets, crevettes grises, 16 langoustines, 2 tourteaux, 400g de bigorneaux, 1kg de bulots, 1kg de palourdes, 800g de coques, de citron, de vinaigre, d’échalote, de mayonnaise, de pain de seigle, de beurre, d’algues, et de glace pilée, mais d’une tonne élévation délimitée par des à-pics vertigineux garnis de pitons rocheux acérés et couleur d’obsidienne, d’un kilogramme de petit chemin qui sent la noisette enjambant ce dénivelé et le long duquel s’épanouissent de ravissant buissons rafraîchissants bariolés de coquettes fleurs autour desquelles papillonnent des libellules haranguant joyeusement de paisibles marmottes, chemin par lequel nos deux amis étaient arrivés à une clairière verdoyante où s’étaient entassés au fil des siècles les ossements de nombreux et courageux aventuriers, clairière entourée d’une sombre forêt où siégeaient de nombreux et diverses épineux menaçants, des chênes de montagne aux feuilles à quatre lobes à travers lesquels filtrait une lumière ténébreuse, d’imposants frênes Chkankan aux formes plus barbares encore que leur fine appellation, un chasseur de bestioles sacrées qui avait l’air sympa et un fusil dans le dos, au loin la forme des pins décents de la fine pierre, quelques tilleuls fourbes poussant dans l’obscurité, et parmi ces arbres rustres, ça et là des corbeaux quittent l’ébène et volent ou s’aèrent aux saules.

Roger le lapin sanguinaire lui, observait la scène en ricanant. De la bonne chaire fraîche, avec la réputation qu’il s’était taillé, cela faisait longtemps qu’on ne lui avait pas ainsi apporté de la viande au dîner sur un plateau (si je puis me permettre ce douteux jeu de mot).

La faim au ventre, l’animal bondit du haut de son rocher sur nos deux amis dans le seul but de les dévorer tout cru. C’est à ce moment que le chasseur de bestioles sacrées qui avait l’air sympa et un fusil dans le dos, trouva bon de sauter tout fusil dehors sur nos deux amis dans le seul but de se prendre le lapin dans la gueule, se faisant par la même bouffer, servant ainsi de bouclier a nos deux compères dans un involontarisme tel que ce ne fut pas le but et donc, je ne sais plus de quoi je parle. Or donc il advint du chasseur qu’il se fit copieusement ingéré par le cruel lapin. Un chasseur chassé est déjà stupide. Mais un chasseur de bêtes sacrées chassé par une bête sacrée c’est d’autant plus bête. (Petit jeu : vous joyeux lecteurs pouvez chanter « Ce matin, un lapin a tué un chasseur » en boucle et passer pour de parfaits abrutis).

Profitant de ce manque d’attention de la part du lapin dévorant le chasseur, nos deux compères partirent en courant, plus loin et en sécurité ils pourraient songer à une autre approche. D’autant plus que maintenant ils étaient informés sur la façon de procéder de la créature.

Pour combattre le lapin, à la base il y avait trois possibilités. La première étant de trouver un chasseur, sans qu’on le lui demande le chasseur de bestioles sacrées se prêta au jeu. Rémi ne s’en remit jamais, soit dit en passant. Il ne restait donc plus que deux possibilités. L’une des deux étant l’utilisation radicale d’une Sainte Grenade d’Antioche, si grenade il y avait. Or, dans le cas du GMS, grenade il n’y avait pas. Si vous comptez bien il ne reste plus qu’une possibilité, il faut trouver l’opposé d’un lapin, mais un opposé bizarre, une sorte d’anti-lapin quoi… Par exemple, l’opposé du thé est l’anti-thé, l’opposé du yeah est l’anti-yeah et l’opposé de l’ illedecontact est l’anti-illedecontact.

Pour ce qui est du lapin, il fallait chercher plus loin. L’anti-lapin était : la carotte ! Mais trouver une carotte bizarre n’était pas à la portée du premier venu, ni du second, le troisième non plus, pas plus que le quatrième d’ailleurs, encore moins du cinquième, le sixième pfff et ainsi de suite. Mais le GMS était le 3759ème, alors peut-être serait-ce différent pour lui.

-Si je puis me permettre, osa Rire, j’ai entendu parler d’une carotte à plusieurs têtes, dévoreuse de lapin, qu’on appelle ici la carotte-hydre !
-La carotte-hydre dis-tu ? Quelle veine ! Je connais un lapin qui n’a qu’à bien se tenir !
-Pourquoi, tu vas retirer l’échelle ?
-Non, on va aller trouver cette anti-carotte, et l’emmener jusque sur les Terres du lapin. Et pour mettre toutes les chances de notre coté on va aussi convoquer l’armée, j’ai lu quelque part qu’une tortue avait toutes les chances de gagner face à un lièvre, alors face à un lapin ça ne devrait pas poser problème. Si des colonnes de mameloukes pouvaient se joindre à nous ce serait formidable… Sais-tu où se trouve cette carotte ?
-D’après ce que j’ai entendu, elle se cache au fond d’une grotte, à Orte, vers Tébrale à l’autre bout de l’île. La carotte-hydre est protégée par Sterno-cléido-occipito-mastoïdien, un membre renégat de la légion romaine.

Ils se rendirent donc à l’autre bout de l’île. Arrivés devant la grotte, Sterno-cléido-occipito-mastoïdien les stoppa :

-Stop ! Quelles sont les raisons qui vous amènent en ces lieux où règnent la crainte, la terreur et une forte odeur de merguez ?
-Nous voulons rencontrer l’hydre.
-Alors pour cela il vous faudra répondre à…

Le mouton le coupa net :

-… une énigme.
-Comment avez-vous deviné ?
-Eh bien de deux choses l’une ; a) je suis dans le métier depuis longtemps maintenant, b) on répond généralement à : un coup de fil, une demande en mariage, laviolenceparlaviolence, où alors à une question/énigme/demande/crème de marrons. (Autre petit jeu, trouvez l’erreur qui s’est glissée dans le dialogue ci-dessus).
-Quel esprit de logique… il va me falloir trouver une énigme coriace pour vous deux.
-Attendez deux minutes, on est pas prêt.
-Alors rapprochez vous.
-C’est bon, on est près.
-Bien. Imaginez un nain et un géant qui marchent l’un à coté de l’autre. Soudain il se met à pleuvoir. Puis il s’arrête de pleuvoir. Qui des deux personnages à été le plus mouillé ?

Ou la la la la, nos deux amis étaient face à une énigme sacrément balèze. Alors que Rire était tenté de dire « et la tête alouette », le GMS lui réfléchissait. Il avait préalablement enlevé son entonnoir afin d’avoir toutes les chances de rencontrer la carotte-hydre, il se creusait le ciboulot comme jamais, s’imaginait le nain et le géant, calculait la racine carré de 275, évaluait les liens de causalité entre le départ et l’arrivée, cherchait une corrélation entre la pluie et la marche à pied… Quand, soudain, une céleste lumière éclaira son être, un court instant, à vrai dire juste le temps pour qu’un nouveau nuage passe et re-cache le soleil. Puis il se remit à chercher à faire des calculs. Quand, tout à coup, la solution lui était apparue, aussi claire que Julien :

-Si la pluie tombe d’un coup sur les deux personnages, le géant la reçoit plus tôt, et le nain plus tard, donc le géant a reçu plus d’eau. Mais lorsqu’il s’arrête de pleuvoir le géant ne reçoit plus d’eau plus tôt que le nain qui lui reçoit encore de l’eau après que le géant n’en reçoive plus, donc le nain a reçu plus d’eau. Alors, ils ont au final reçu autant d’eau l’un que l’autre et peuvent rentrer dans une auberge boire un coup.
-Et la tête alouette !

Abasourdi par la qualité de la réponse du Grand Méchoui Sacré et par la véracité de ses propos, Sterno-cléido-occipito-mastoïdien ne put qu’admettre que nos deux amis avaient bien mérité d’aller se faire dévorer par l’hydre. Il leur expliqua que la grotte n’était pas bien grande et dotée d’une seule galerie et par conséquent qu’ils ne pouvaient pas se tromper de chemin, puis leur souhaita bonne chance, bonne année, bonne iche et bonne jovi.

Après quelques minutes, ils tombèrent nez à nez, ou museau à museau avec la carotte-hydre. Guère aguichante cette dernière les regardait d’un air impatient.

-Euh, Martin, je crois que l’hydre attend.

Après cette réflexion perspicace sur le statut de l’hydre, le GMS se lança.

-Bonjour noble hydre.
-GrrrRRRrrr (notez au passage que l’hydre n’est pas très accueillante).
-Euh… Je suis le Grand Méchoui Sacré, un être divin en mission.
-Raaaaaaah je hais les êtres divins !
-Ah bon ? Je ne savais pas que les hydres reniaient les divinités.
-Oh vous savez chez nous les hydres, très tôt, on nous envoie faire notre S.A (Service Athée), après deux ans on est des hydres athées.
-Je comprends mieux, mais j’ai besoin d’un coup de main. Il se peut que, bien qu’étant un être divin, ma requête vous intéresse.
-Dites toujours.
-Toujours.

C’est lorsque la carotte hydre, emplie de colère, ouvra la gueule pleine de restes de lapins déchiquetés coincés entre ses chicots acérés, que le GMS comprit que cette dernière n’appréciait peut être pas tellement ce genre d’humour, et qu’il allait le payer de sa vie et de celle de Rire. Mais dans un élan de célérité ce dernier déclama :

-Je connais un lapin qui vit sur un plateau et qui n’attend que votre mâchoire pour s’y fourrer ! Pitié ne me mangez paaaas !

Sur le coup l’immense bec se referma sec à quelques centimètres des têtes de nos deux amis.

-L’hydre : Huum je raffole des lapins !
-Rire : Je savais que vous seriez intéressée.
-Le GMS : Et comment allez-vous le manger ?
-L’hydre : Au miel !
-Les Blues Brother : Everybody, need somebody.

Sur ces belles paroles, nos amis prient la route en direction du plateau de Fruidemaire. Il fallait cependant expliquer à la carotte-hydre qu’il ne fallait pas manger la queue du lapin, cette dernière répondit que de toute façon, cela n’avait pas de goût.